alors...je suis en plein trip écriture, et j'en suis au 7eme chapitre de mon roman :hehe:
je ne vais pas vous mettre le pavé en question, je vais juste vous mettre quelques passages que j'aime
j'en met un, si vous en voulez d'autres, n'hésitez pas à demander...
(milieu du chapitre 5)
Hgil arrêta un instant de mastiquer les morceaux de haricots disséminés dans sa bouillie de riz, et leva lentement sa grosse tête. Par la fenêtre, il pouvait apercevoir l’extrémité sud de la cité, qui s’enfonçait dans les flancs d’une montagne.
Lui, le meilleur restaurateur de la cité toute entière, n’avait jamais le droit qu’à cette bouillie immonde, tandis que la nourriture succulente qu’il préparait à longueur de nuit était toujours, à l’aube, jetée dans la vallée en contrebas.
Et ça à cause de la fameuse légende qui disait qu’une nuit, le porteur de la Carte viendrait séjourner chez eux, et que s’il était satisfait de son séjour, il leur donnerait un exemplaire de sa Carte.
Les habitants de cette cité préparaient donc sa venue depuis des millénaires, chaque nuit, sans jamais faillir à la règle ; mais c’était toujours en vain.
Mais lui, Hgil, ne supportait plus ce rite idiot, qui les empêchait tous de vivre ; et, depuis maintenant deux ans, il préparait soigneusement le plan qui allait le soustraire à cette vie dénuée de sens ; et il avait choisi cette nuit pour s’évader. Il tourna la tête vers la pendule démesurée qui pendait à la clé de voûte de leur dortoir : il était neuf heures moins vingt. Dans dix minutes, la musique commencerait à jouer, et tout le monde recommencerait une fois de plus la préparation du repas.
Pour l’instant, chacun finissait sa bouillie.
C’était maintenant ou jamais.
Il se leva doucement, enfila son long manteau difforme, et claqua des doigts : son corps massif se dématérialisa alors, pour ne laisser apparaître de lui que son lourd masque en bois peint. Les autres se tournèrent vers lui, étonnés ; une voix dit :
« -Où vas-tu, Hgil ? Ce n’est pas encore l’heure...
-Je vais juste faire un tour dehors et je reviens. »
Les autres acquiescèrent lentement, et se désintéressèrent de lui.
Hgil sourit sous son masque : la préparation de son plan avait été si discrète que personne ne se doutait de rien.
Il traversa le dortoir immense, aux murs couverts de bas-reliefs étranges et colorés ; tout autour de lui, les singuliers habitants de la cité étaient assis, désœuvrés, le regard vide. On aurait dit des carcasses vides, se mouvant juste par la force de leurs habitudes. Hgil se sentit triste de les abandonner ainsi ; mais l’heure n’était pas aux regrets. Il poussa les lourdes portes du dortoir de ses mains invisibles, et sortit dehors. Il frissonna : cette cité avait été construite aux pieds de la plus haute des montagnes, et les nuits ici étaient toujours glaciales. Mais les habitants étaient tous des lointains descendants d’anciens dieux, et donc très peu sensibles aux conditions extérieures.
Hgil descendit de la butte sur laquelle était construite le dortoir, et traversa rapidement la cité.
Ce fut uniquement quand il arriva à l’extrémité sud de la métropole qu’il se retourna, essoufflé. Devant lui s’étendaient les nombreuses petites pagodes aux toits colorés qui formaient la cité. Dans la nuit, les lanternes rouges s’allumaient une à une, tandis qu’il entendait les premières notes de musique qui marquaient le début de la préparation nocturne.
Il détacha lentement son regard de la lumière rouge qui indiquait l’emplacement de son restaurant, et tenta d’imprimer dans sa rétine la belle cité, avant de lui tourner le dos.
Il reprit sa course, et emprunta le petit pont en bois construit sur le flanc de la montagne. Un seul pas de travers, et il était précipité dans le gouffre en contrebas; mais il ne s’arrêta pas de courir. Il voulait ressentir la liberté enivrante dont il avait tant rêvé.
Mais, à ce moment-là, il ne ressentait que tristesse et anxiété ; ce plan qui lui avait paru si élémentaire semblait maintenant complexe et confus. Il se matérialisa quelques secondes pour chercher dans son manteau la carte des montagnes environnantes, qu’il avait soigneusement établie. Après un instant d’angoisse, il la trouva finalement, et se mit à l’observer. Mais sa nervosité l’empêchait de la lire correctement ; et, brusquement, un sentiment de panique incontrôlable l’envahit. Il se mit à courir fiévreusement sur le petit pont, sans pouvoir s’arrêter ; soudain, son pied glissa sur une plaque de verglas, et, la tête la première, Hgil entama une chute interminable dans le vide.